La vie d'une Quiche

Mélissa...

Aujourd’hui, ça va faire trois ans que ma cousine Mélissa est morte de la drépanocytose… Elle n’avait que 17 ans…

Je ne l’ai vu en tout et pour tout que six fois en seize ans d’existence et jamais plus de deux jours. Ca fait peu pour s’attacher réellement, pas vrai ? Le truc, c’est que Mélissa était ce genre de personne avec qui tout était plus facile… On ne savait pas trop quoi se dire pendant une petite heure et après ça, c’est comme si on vivait ensemble depuis toujours. C’était vraiment une fille géniale. Toujours avec le sourire, malgré la maladie, malgré ses crises, malgré les médicaments, les opérations et les hospitalisations à répétition, pas une seule fois je ne l’ai vu sans son sourire. Jamais je ne l’ai vu s’énerver. Elle était calme, souriante, amusante et d’une gentillesse infinie.

La seule fois où je l’ai vu pleurer, c’était au mariage de Tata A. -la petite soeur de son frère- qui lui avait demandé de la rejoindre pendant qu’elle faisait son discours de remerciement pour lui souhaiter un joyeux anniversaire parce qu’elle s’était la veille de l’anniversaire de Mélissa et qu’il était minuit. Mais malgré les larmes dues à l’émotion, elle continuait de sourire. Elle partait du principe qu’on avait qu’une vie alors il fallait en profiter… C’est la dernière fois que je l’ai vu. C’est la dernière fois que je lui ai parlé parce que, forcément, pour changer, je n’ai pas cherché à garder contact… J’ai cumulé énormément d’erreurs durant mes années de lycée en fait… Certes, je ne pouvais pas deviner qu’elle allait aussi mal. La seule personne que je connais atteinte de cette maladie c’est Tata A. et même si elle a beaucoup de crises, elle est toujours vivante alors je ne voyais pas pourquoi il n’en serait pas de même pour Mélissa…

Le dimanche 27 septembre 2009, quand Yo' est descendu dans ma chambre pour me dire que Mélissa était morte, je n’ai pas réalisé tout de suite. Le choc est arrivé dix minutes plus tard et à partir de ce moment, je n’ai plus pu retenir les larmes. Je me suis enfermée dans ma chambre, j’ai mis de la musique sur mon ordi et j’ai commencé à écrire. A écrire tout ce que je ressentais sur le moment. Ecrire à Mélissa. Lui dire que j’étais vraiment désolée de n’avoir pas été plus présente dans sa vie, de ne pas l’avoir mieux connu. Que je ne l’oublierai jamais. Que j’espérais que là où elle était, elle allait mieux.

Maman est descendue me voir une heure ou deux heures après, je ne sais plus trop. Elle avait les yeux rouges et gonflés, la voix tremblante et elle a réussi à me dire de ne pas rester toute seule en bas avant de se mettre à pleurer. Je ne pourrais pas vraiment dire qui de nous deux à pris l’autre dans les bras. N’empêche qu’on a dû rester cinq bonnes minutes à sangloter comme ça, dans les bras de l’autre. Elle me disait des choses comme "Elle va mieux maintenant", "Elle ne souffre plus maintenant" et plein de trucs du genre. Finalement on a repris notre courage à deux mains, on s’est séparé et elle m’a demandé de monter en haut avec eux. Seulement, je n’aime pas qu’on me voit pleurer. Je n’aime pas voir la peine dans les yeux des gens -et donc surtout pas dans les yeux de ma famille- donc je suis partie prendre une douche. J’ai essayé de me calmer et je crois que j’y suis parvenue à un moment. Après je suis retournée dans ma chambre quelques heures…

Mélissa est morte d’un arrêt cardiaque à cause d’une surdose de morphine durant une crise plus forte que d’habitude, mais c’était soit ça, soit elle continuait de souffrir atrocement. Du coup, les médecins ont essayé de calmer la douleur, mais son coeur n’a pas tenu… Sa mère et son père -grands chirurgiens tous les deux- ont été détruits et ils ont fini par se séparer, moins d’un an après sa mort. A. -le deuxième- est celui qui a été le plus touché par la mort de sa soeur. N. aussi a beaucoup souffert et étonnamment, M. -la petite dernière- est celle qui a pris tout ça avec le plus de philosophie à seulement quatre ou cinq ans -j’avoue ne pas trop savoir- "Elle n’aurait pas voulu que l’on pleure". Voilà ce qu’elle a dit…

Je suis allée à son enterrement. Mon tout premier enterrement et franchement, je ne veux pas en vivre d’autre. J’étais toute seule dans mon coin à essayer de faire en sorte qu’on ne m’entende pas pleurer. De plus, il y avait tous les amis les plus proches de Mélissa qui ont fait des discours, des musiques et je ne me sentais pas à ma place. J’étais sa cousine, mais je la connaissais moins bien que tous ces gens… Et puis il y avait les mots que j’avais écrit qui tournaient en boucle dans ma tête. Mamy M. -qui était venue avec nous- et Maman me disaient d’aller lire ce que j’avais écrit parce que c’était vraiment touchant et bien écrit, mais je ne pouvais pas. Déjà, je n’aime pas parler en public naturellement, alors parler tout en chialant, c’était vraiment pas une bonne idée. Finalement, je me suis contentée de pleurer…

Bref, Mélissa, ça fait trois ans que tu es partie. Trois ans durant lesquelles ton sourire m’est resté gravé dans la tête et trois ans que je regrette réellement de ne pas avoir pu te connaître plus… Ou que tu sois, j’espère que tu es bien.

Vous savez quoi, je déteste la période entre septembre et décembre, c’est toujours à ce moment que les mauvaises choses se passent pour moi… Enfin, il y a au moins une chose positive : l’anniversaire de Papa dans deux jours. J’aurais voulu lui offrir une nouvelle sacoche -parce qu’il a vraiment besoin d’en avoir une nouvelle...- mais les sacoches en cuir marron, ça coûte vraiment trop cher pour moi… Mwarf. Le truc nul avec Papa, c’est qu’à chaque fois je sais ce qui lui ferait plaisir, mais à chaque fois, c’est trop cher pour moi et du coup, je ne sais pas quoi prendre d’autre…