La vie d'une Quiche

Cette force de persuasion...

J’admire mon corps. Il me saoule de temps en temps - c’est normal- mais je dois reconnaître que, la majorité du temps, il m’impressionne. Contrairement à ma détermination, mon corps ne lâche rien. Si j’avais un esprit plus combatif, je suis sûre qu’il serait capable de grandes choses. Je comprends un peu mieux pourquoi je désespérais mes profs de sports et de musique au collège et au lycée. "Avec des jambes comme les tiennes, tu devrais courir beaucoup plus vite !", "Avec ta taille, tu ne devrais pas avoir du mal à marquer des paniers !", "Avec les poumons que tu as, tu devrais pouvoir chanter plus fort !". Ouais. Probablement. Mais je n’en ai jamais eu envie. Enfin, pas réellement. A la limite, j’aurais préféré savoir bien dessiné. Savoir danser en me sentant totalement à l’aise dans mon corps. Me laisser juste aller à la musique, comme les images que je vois dans ma tête. Mais tout ça, ce ne sont que de simples envies. Je n’ai pas envie de travailler pour atteindre ça. Je voudrais que ça soit un don. Que ça me soit complètement naturel. Que je n’ai pas le moindre effort à fournir.

Parfois, je trouve ça dommage d’être aussi douée dans de nombreux domaines : ça m’a rendu paresseuse. Je ne connais pas la valeur de l’effort. Pour moi, tout doit se faire un claquement de doigt. Si ça ne fonctionne pas comme ça, ça ne m’intéresse pas. C’est notamment pour ça que j’ai décidé de ne pas continuer en pharma. Pas assez évident et la charge de travail m’épuisait d’avance. Pareil pour la prépa littéraire. Quoiqu’au final, je m’en suis plutôt bien tirée à moindre effort. Mais je savais que si la première année s’était passée de justesse, je n’aurais jamais pu valider ma deuxième année. Et l’échec subit n’est pas quelque chose que je veux connaître. Alors j’ai préféré partir à un moment où, je le savais, j’assurais encore. Et puis je suis tombée en GEA. La simplicité incarnée. Hormis les maths fi', je comprenais tout. Naturellement. Sans vraiment faire d’effort. Alors j’ai su que c’est ce que j’allais faire. La vie est déjà bien assez compliquée pour se la rendre encore plus compliquée. Et puis, je n’ai jamais mis en premier plan ma carrière pro' à un quelconque moment de ma vie. Donc c’était réglé. Et la licence -bien qu’elle m’ait saoulé parce que mal organisée- m’a confirmé que je faisais le bon choix. La simplicité et l’évidence, c’est ce qu’il y a de mieux pour moi. Et tout ça ne fait que se concrétiser avec mon travail.

Je vais finir par avoir un ego surdimensionné vu tous les compliments que me font mes collègues. N’empêche que je ne peux pas leur donner tort. On m’explique quelque chose une fois et je suis capable de le refaire, mieux, de l’expliquer quelques minutes après. Mieux encore, je suis même capable d’enchaîner sur la suite logique des choses. J’ai un cerveau incroyable. Quand j’y pense, parfois, ça me donne envie de pleurer. Parce que je ne comprends pas ce que j’ai fait pour mériter tout ça. Et c’est effrayant. Parce qu’une partie de moi à peur qu’un jour tout ça me soit retiré…

Et puis je ne parle même pas de mon corps. Toujours à son poste pour exaucer le moindre de mes caprices. Hier je voulais avoir l’air un peu patraque pour que mon excuse soit vraiment visible sur moi et ce matin, je me réveille avec un léger mal de crâne. Pas le mal de crâne vraiment gênant, mais suffisant pour me donner un air un peu fatigué et shooté. Et j’adore ça. C’est génial d’être en phase à ce point avec son corps. Avec son esprit.

C’est vrai qu’en fait, je ne me vois pas comme un tout. J’ai tendance à vachement personnalisé d’un côté mon cerveau, de l’autre mon corps, et en guise de lien un peu bancal, moi. D’ailleurs, vu la conception des choses, je ne sais même pas comment je considère mon "moi". Est-ce que je me vois comme une âme ? Un truc dans le genre en tout cas… Selon moi, mon cerveau et mon corps ne m’appartiennent pas vraiment. Ce sont plus des compagnons. Un peu le genre de relation qu’on pourrait avoir avec des amis. Ou des frères et soeurs. On est étroitement liés, mais on ne s’appartient pas pour autant. De ce fait, ça peut expliquer pourquoi je les admire tellement et pourquoi je peux passer un temps fou à m’émerveiller devant. C’est un peu le genre de fierté que l’on doit ressentir pour un animal ou un enfant. Pour moi, ce sont deux sentiments qui sont étroitement similaires. Je vérifierai ça quand j’aurais mes enfants. Je pense que ce sont deux amours de même intensité mais sur des branches différentes. Un peu comme l’amour que je peux ressentir pour ma famille et celui que je ressens pour le Chéri. Pas la même branche, mais l’intensité est comparable. Dans ma tête c’est très clair, mais écrit comme ça, j’en suis pas si sûre…

Sinon, comme je l’avais prévu, j’ai été payé aujourd’hui… D’un côté j’étais soulagé -je pourrais acheter un beau cadeau à Papa- et d’un autre côté ça m’a agacé -j’aurais pu aller au resto et revoir mon maître de stage de DUT à qui je dois beaucoup. Alors ouais, ça m’a saoulé. Parce que ça avait l’air vraiment sympa. Mais bon, on va dire que ça sera encore mieux pour le pot de départ de Néné, en plus là il y aura Sylv' donc ça sera cool. Je l’aime bien Sylv'. Elle parle beaucoup alors j’aime être avec elle. Surtout que la panoplie de discussion est bien plus grande qu’avec Cloche. Mais j’aime bien Cloche aussi, mais elle a besoin de plus de temps pour se livrer je pense. Et puis elle ne doit pas être de nature très bavarde de toute façon… Pour ça, quand il y a Néné -mais elle va bientôt partir donc bon...- et Sylv', je me sens plus à l’aise. J’aime pas que la discussion repose sur moi. Après je me sens obligée de parler et je raconte de la merde. Alors que quand on est trois, il peut y avoir un silence de mort, je m’en fiche. De toute façon, en dehors de le Chéri, Maman et Sa', je crois que je me force toujours à parler. Ne serait-ce qu’un minimum. Pour éviter les silences.